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Rencontre avec Baptiste Gros

Ski de fond (sprint) aux J.O. de PyeongChang

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Bonjour Baptiste, peux-tu te présenter en quelques mots ?

 

Je m’appelle Baptiste Gros, j’ai 27 ans. Je suis membre de l’équipe de France de ski de fond depuis 6 ans. Je suis spécialisé en sprint donc c’est un peu plus rapide que le ski de fond classique. A côté, il est vrai que j’ai arrêté les études pour ça donc je n’ai pas une très grande activité à part l’entrainement. Je suis passionné par pas mal de choses comme la mécanique, la photo et le bricolage en général.

 

 

Peux-tu nous expliquer un peu les modalités, règles de cette discipline (le sprint) ?

 

Le sprint, c’est une course qui se passe en plusieurs manches sur une piste de 1,5km environ (un peu moins long ou un peu plus long selon les courses).

Il y a une première manche de qualifications où l’on part en individuel chacun à son tour pour établir le meilleur chrono possible.

Au bout de cette première course, les trente premiers sont sélectionnés. Pour les autres la journée est terminée et ils peuvent rentrer chez eux.

Derrière, il y a des quarts de finale. Là on s’élance à six. Il y a donc 5 quarts de finale avec 6 gars à chaque fois et les deux premiers de chaque poule sont sélectionnés pour les demi-finales, et 2 de plus au chrono.

Il y a alors à nouveau 2 demi-finales avec encore 6 mecs. Les deux premiers passent également et on y ajoute 2 autres au chrono.

Il reste donc 6 coureurs pour la finale.

Ce sont donc vraiment des manches par élimination tout le temps. A part ceux qui vont en finale, les autres ont toujours un peu l’impression d’avoir un peu perdu la course. C’est donc un sport assez frustrant ! La qualification dans les 30 premiers est très chère ! Parfois sur une course de 3 minutes il y a seulement 4 secondes entre le premier et le trentième. Ce sont le même genre d’écarts qu’en ski alpin. La moindre faute est hyper pénalisante et c’est vraiment un effort très intense !

En termes de volume d’entrainement à l’année, on s’entraine autant que les athlètes spécialisés dans les longues distances. De plus, ce genre de course dure sur toute une demi journée où l’on enchaine les manches. Donc entre chaque course on ne peut pas s’allonger et ne rien faire. Ca fait quasiment deux heures et demi d’efforts continus donc ça reste tout de même endurant !

 

Quel souvenir gardes-tu des Jeux de Sotchi en 2014 ?

 

J’en garde un excellent souvenir ! J’avais eu une saison un peu difficile avant les Jeux. Trois semaines avant j’avais fait mon premier podium en Coupe du monde donc d’un coup je me suis retrouvé sélectionné et parmi les médailles potentielles aux J.O. Pour le coup j’étais peut-être un peu dépassé par l’événement mais j’ai trouvé ça vraiment énorme ! Une belle expérience ! C’était extrêmement enrichissant au niveau personnel mais aussi en terme d’équipe. C’est là que j’ai saisi toute l’ampleur de sa force, avec tout ce qu’il se passe autour et la pression médiatique. On n’a pas trop l’habitude de tout cela en temps normal et encore moins lorsqu’on a 23 ans ! J’ai vraiment compris que l’équipe était importante pour se reposer sur les autres même dans un sport individuel. Voici l’expérience que j’ai tiré des Jeux de Sotchi.

 

Comment te sens-tu à l’approche des épreuves de PyeongChang? As-tu des objectifs précis?

 

Ma première course est le 13 février. Donc pour l’instant ça va, je suis relâché. J’ai fait m’a préparation comme je l’entendais. Je bosse actuellement sur les derniers réglages. J’y vais pour jouer, me faire vraiment  plaisir ! Sans me mettre de pression supplémentaire, pour ne pas subir l’ampleur de l’événement.

 

Qu’est-ce que ça fait de représenter la France ?

 

C’est déjà forcément un honneur ! Il y a un peu de fierté aussi. Tout le monde est dans l’esprit « équipe de France », on représente notre pays ! Derrière, le public attache une importance telle aux J.O. que c’est démultiplié. Il y a un véritable esprit d’ « équipe de France olympique » ce qui est une force supplémentaire !

 

Comment se préparer aux JO ? Est-ce un évènement particulier par rapport aux autres compétitions ?

 

C’est quand même la course qui peut changer une vie entière ! Déjà l’an dernier on est allé sur le site de PyeongChang faire une Coupe du monde donc on a fait un aller-retour là-bas seulement pour trois jours, pour faire la course et reconnaître le lieu alors même qu’on enchaînait juste après sur les Championnats du monde et qu’on risquait de le ressentir. Mais les Jeux Olympiques se produisent seulement tous les quatre ans ! On n’a pas le droit de passer à côté et de sacrifier cette chance. Donc même en amont, mine de rien on commençait à s’y préparer, surtout à partir du moment, il y a quatre ans, où notre nouvel entraineur est arrivé et en nous disant « dans quatre ans je veux une médaille olympique dans le groupe ». Beaucoup de choses tournent autour de ça. Il y a vraiment une attention particulière pour cette course ; on a fait des stages d’entrainement spécialement pour l’occasion. Je suis déjà complètement documenté sur la piste, j’ai même la vidéo live de la piste que j’ai faite l’an dernier !

 

Quel est ton secret pour gérer la pression ?

 

Je ne sais pas si j’ai vraiment un secret, mais je pense que malgré tout l’investissement qu’il y a dans tout ça, ce n’est pas la seule chose que j’ai dans ma vie. Ça reste du sport, ça reste un jeu, ce n’est pas qu’une histoire de compétition pure et dure. Il y a aussi le fait de savoir profiter de l’événement et de tout ce qu’il y a autour. C’est à vivre dans une vie car les émotions sont incroyables ! J’essaye de prendre les choses comme elles viennent et de profiter au maximum de l’événement ! Je n’ai pas envie de me faire écraser sous la pression. J’ai vraiment envie de l’utiliser pour la course. A côté il y a quand même beaucoup de moments avec l’équipe, beaucoup de moments de relâchement, que je vis pleinement !

 

As-tu déjà connu des situations critiques à gérer ?

 

Les sélections internes sont une étape compliquée. Quand tu es dans une équipe dans laquelle tes coéquipiers d’entrainement sont plutôt devenus tes amis dans la vraie vie, ça créé des tensions car tout le monde réagit différemment à la pression.

J’ai aussi connu une petite baisse de régime l’an dernier en allant au delà de mes limites en entrainement. Limites à la fois physiques et mentales car après cela je ne me faisais plus plaisir. Donc je me suis un peu battu durant toute la saison dernière pour rester dans les 20 meilleurs mondiaux mais en sachant pertinemment que je n’arriverais jamais à jouer les 3 meilleurs alors que c’est quand même ce qui compte dans le sport ! J’ai couru derrière le résultat, ce qui est enrichissant mais pas très marrant !

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Quel impact de ta vie de sportif de haut niveau sur ta vie privée ?

 

Il est délicat de gérer les deux. Certains y arrivent très bien, ont des enfants. Moi je ressens clairement la différence entre l’été où je m’entraine et l’hiver où j’ai des objectifs, où je deviens focalisé à 100% sur les courses. Je deviens plus distant, je vais moins voir mes amis hors du monde du ski car forcément je suis plongé dans mon milieu. La vie privée devient plus difficile. Ce n’est pas toujours évident d’avoir une vie même sentimentale à côté et de faire du très haut niveau en rentrant seulement de temps en temps à la maison.

 

Ton plus beau souvenir/le moment le plus fort de ta carrière ?

 

C’était un week-end il y a deux ans, lors d’un sprint. Sur deux jours on fait 2 doublés, 2ème et 3ème places à chaque fois donc deux podiums de suite. Il y avait une épreuve en équipe, donc c’était vraiment incroyable de voir tous les français sur le podium, avec les français qui nous encourageaient sur place ! Une explosion de joie ! J’étais heureux non seulement pour ma performance mais aussi pour celle des autres ! Tout le monde est reparti avec une breloque ! C’est un des moments où on s’est vraiment fait reconnaître comme une équipe forte dans le monde du ski de fond.

Le deuxième grand souvenir que j’ai est en temps que spectateur à Sotchi. Il y avait le relai par équipe dans lequel je n’étais pas et les mecs ont fait ce jour là médaille de bronze ! Ca faisait plusieurs olympiades que la France terminait 4ème ! On était maudits ! Je n’ai jamais vu autant d’émotions, tout le staffe pleurait ! Lorsqu’ils ont franchi la ligne on était fous ! C’était génial !

 

Quels sont tes objectifs de carrière à long terme ?  tant au niveau sportif que professionnel ?

 

Au niveau sportif, je vis pour l’instant de mon sport, ce qui est assez confortable. Je me plais dans ce que je fais donc je sais que si je reste dans les meilleurs mondiaux on va dire que ma place est un peu protégée (30 meilleurs mondiaux). Mais ce n’est pas ce qui me motive dans le sport. J’ai envie de jouer des podiums, donc je pense que ça dépendra de mon niveau. Peut-être que le jour où je n’arriverais plus à jouer devant je laisserai tomber le sport.

Professionnellement, j’ai arrêté mes études mais j’ai pu investir dans l’immobilier, me lancer dans la location, retaper des appartements. Ca m’irait bien de continuer là-dedans. J’ai aussi plein de petits projets donc je verrai le moment venu !

 

Un dernier mot sur la place du ski de fond ou des sports d’hiver en France ?

 

Je trouve qu’il n’y a pas une véritable culture du ski de fond. En France malheureusement, on n’a pas une vraie culture du sport dans le sens où peu de sports sont mis en avant et où les gens sont extrêmement critiques sur la performance et ne se rendent vraiment pas compte des sacrifices qu’il y a à côté je pense.

On le subit un peu en ski de fond en ce moment avec par exemple Martin Fourcade qui fait que le biathlon explose tout et passe sur l’Equipe 21. Attention, ceci est entièrement mérité, j’entends bien ! Mais en ski de fond c’est dommage car il n’y ait jamais eu un aussi gros niveau depuis 3 ans même s’il y a des podiums hyper régulièrement. Seulement, il n’y a pas de retransmission sur les chaines publiques. On a une Fédération internationale qui ne se débrouille pas pour rendre accessibles les images sur les chaines publiques. On a un sport très médiatisé en Norvège, Scandinavie etc. mais personne n’essaye de le vendre réellement en France.

Le ski de fond évolue beaucoup en ce moment par exemple avec le sprint, et je suis persuadé que l’on n’exploite pas assez ce potentiel là. J’espère que ça viendra avec les années !

 

Un conseil pour les jeunes qui voudraient suivre ta voie ?

 

Pour revenir sur ce que je disais précédemment c’est super que le biathlon sorte comme ça en ce moment car de plus en plus de gens se mettent forcément au ski de fond en conséquence.

Pour les jeunes qui veulent persévérer en ski de fond je pense qu’il faut savoir prendre son temps, savoir se faire plaisir et ne pas se focaliser uniquement sur l’entrainement et les détails. Il faut être très ouvert d’esprit et toujours le faire pour le plaisir. Par contre, il faut aborder les courses comme un « mort de faim » parce qu’elles sont extrêmement exigeantes. Lorsqu’ils mettent un dossard, il faut qu’ils le fassent à 200% ! Il faut aimer s’arracher !

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