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Interview d'Yvan Le Mée

Pouvez-vous nous rappeler votre parcours ?

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Au départ, je ne viens pas spécialement du football. Je faisais sport-étude tennis mais à l’âge de 14 ans j’ai arrêté parce que les perspectives se réduisaient et j’ai décidé de me consacrer aux études. J’ai donc fait un bac B (ES aujourd’hui) puis un BTS action commerciale à la suite duquel je suis entré en admission parallèle à l’ESC Marseille, dans ma ville natale. Peu de temps après, Robert Louis-Dreyfus a repris le club de l’Olympique de Marseille et a voulu développer la marque OM. J’ai donc harcelé le club pour avoir un stage chez eux et j’ai finalement réussi à renter dans le club pour développer le musée de l’OM. Après cette mission, on m’a proposé de monter au service marketing pour développer toute cette branche qui était encore inexistante. C’est comme cela que j’en suis venu à développer la branche OM Média avec la télévision, les magazines, le site internet… Puis une fois le développement terminé, je voulais passer à autre chose pour toujours continuer à créer et développer des choses, car la gestion seule ne me suffisait pas. C’est pour cela que je me suis renseigné sur le métier d’agent et comme il n’y en avait que 30 à l’époque en France, je me suis dit que je pouvais apporter quelque chose, de par les relations que j’ai eu à l’OM et la dimension internationale que j’ai connue pendant mes études. J’ai donc créé en 2000 avec un associé la société Sport Profile qui proposait tous les services d’agents aux joueurs de football.

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Quel est le rôle de l’agent et quelles sont ses compétences ?

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La première compétence de l’agent, c’est le sport, le football. Déjà pour repérer les joueurs, parce que tout le monde est capable de repérer le meilleur sur un terrain mais pas qui sera le meilleur dans un an, alors que c’est celui qu’il faut réussir à voir si l’on veut être un bon agent. Mais aussi pour conseiller les bons choix à son joueur, lui dire dans quel championnat il doit jouer, s’il doit partir dans un gros club ou pas. Ensuite, il faut être bon en négociation parce qu’il faut obtenir le meilleur contrat pour son joueur. Mais le rôle de notre société c’est aussi d’apporter des conseils en termes de gestion d’image, de fiscalité, de gestion de patrimoine… Tout ce qui peut aider le joueur. On peut éventuellement faire appel à des avocats sur des clauses précises dans les contrats mais c’est tout. Donc il faut être très complet dans le sport, le marketing, la stratégie d’entreprise… Et enfin, il faut se dire que l’essence du métier d’agent c’est l’expérience parce que quand on a déjà négocié plusieurs dizaines de contrats, quand on a déjà fait des choix de carrières pour ses joueurs, alors on a des repères. Et aujourd’hui, un agent qui veut se lancer n’a pas cette expérience donc il est difficile pour lui d’attirer des joueurs. On tend finalement vers un système où seules les sociétés importantes possèderont des joueurs.

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Justement, comment se construit-on un réseau ? Comment obtient-on des joueurs quand on vient de se lancer ?

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Pour ma part, je me suis construit un réseau pendant mon parcours à l’OM. Comme j’ai monté OM TV (la chaîne de télévision du club), j’ai eu à faire à pas mal d’autres grands clubs comme le Real Madrid ou le Milan AC avec qui on s’échangeait les images et avec qui j’ai pu garder contact. Ensuite, pour avoir des joueurs, cela reste très dur. Au départ, personne ne voulait nous faire confiance. On nous demandait toujours « Et qui avez-vous comme joueurs connus ? ». Lorsqu’on répondait qu’on cherchait notre premier, c’était toujours difficile. Donc pendant près de trois ans on n’avait pas de salaire. Mais on a réussi à sentir quelques bons coups comme Gaël Clichy qui jouait à Cannes et qu’on a réussi à amener à Arsenal. Puis on a fait signer Julien Faubert au Real Madrid. Une fois qu’on a quelques belles affaires comme celles-là à notre compteur, les joueurs nous font confiance plus rapidement. Maintenant, l’essence de notre société c’est encore de repérer des jeunes joueurs à fort potentiel. Nous avons d’ailleurs amené Aubameyang en France par exemple. Et on continue ce travail de scoutisme qui est fondamental chez nous. On a même lancé une antenne de notre société au Brésil.

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Quelles relations l’agent doit-il entretenir avec son joueur ?

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Je ne suis pas le père du joueur mais je me considère plus comme un gardien, un conseiller. Ces conseils doivent rester professionnels. Il ne faut pas rentrer dans l’affectif. Certains joueurs prennent un membre de leur famille comme agent mais le problème c’est qu’ensuite les décisions qui sont prises ne sont pas forcément stratégiques pour le joueur. Par exemple des familles vont conseiller à leur joueur d’aller jouer en Chine parce qu’il va gagner plus d’argent. Mais le rôle d’agent est un vrai métier et la sphère familiale ne peut le remplacer car elle prendra rarement des décisions rationnelles.

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Les voyages, les coups de téléphone, les décalages horaires… C’est quoi la vie d’un agent ?

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Si on veut vraiment s’impliquer dans son métier, c’est clair qu’on est sans arrêt sollicité. Aujourd’hui le football ne peut pas se résumer à la France ou à l’Europe. Il faut prendre en compte le championnat chinois, les championnats scandinaves et le championnat américain dans lequel je gère Alessandrini. Lorsqu’il m’appelle depuis Los Angeles, c’est à dix ou onze heures du soir. Ensuite, il faut aussi repérer les jeunes en Afrique ou au Brésil où on a monté un bureau. Donc quand je finis mes horaires européens, je commence ma journée brésilienne.

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Et la vie de famille dans tout ça ?

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Moi je ne suis pas marié et je n’ai pas d’enfants. Mais on peut très bien être agent et avoir une famille ! Tout dépend notre degré d’implication. J’adore mon métier, c’est une vraie vocation et ma vie tourne autour de ça. Et comme il est important d’être disponible et d’avoir du temps, c’est vrai que j’en garde très peu pour ma vie privée.

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Donc si vous pouviez revenir vingt ans en arrière, vous recommenceriez la même vie ?

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Bien sûr, bien sûr ! C’est clair qu’au départ, quand je suis rentré en école de commerce, je prétendais plus à travailler chez Pernot Ricard ou au département marketing chez l’Oréal. D’ailleurs, j’avais fait le lancement d’Orangina Rouge. Mais finalement, avec ce travail à Marseille et ces rencontres qui m’ont poussé à devenir agent, je suis tombé dans un milieu que j’adore et qui me passionne. Quand je vois mes amis d’école qui travaillent dans des grands cabinets de conseil ou d’audit, je ne crois pas qu’ils soient plus épanouis que moi. Donc même si je ne décroche pas beaucoup et même si j’ai pu avoir des coups de mou, je suis très heureux de faire ce métier et je ne regrette rien !

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Une dernière question (plus légère) : vous avez une anecdote d’une exigence originale d’un joueur au moment de signer un contrat ?

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Un jour, l’un d’entre eux signait dans un gros club pour la première fois et pensait qu’on pouvait tout demander. Il voulait obtenir un avion privé à sa disposition. J’ai dû le raisonner, lui dire que ce n’était pas possible et que, même pire, ceci aurait pu faire tomber le contrat à l’eau. Finalement tout est rentré dans l’ordre !

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